Histoire du timbre

De janvier 1877 à décembre 1900, la valeur à 10 centimes a été représentée par le timbre au type Sage noir sur lilas soit une longévité de près de vingt-quatre ans pour un même timbre
Or, de décembre 1900 à septembre 1907, en ne comptant que les types, ce sont six sortes de timbres qui se sont succédés à un rythme endiablé en moins de sept ans. Si l'on compte en plus les sous-types, on arrive à un total de treize timbres émis. Si l'on ajoute les essais, les projets, les non émis, c'est à peu près à vingt modèles
Il est indispensable d'expliquer brièvement cette frénésie de changement après vingt-quatre ans de stabilité. En septembre 1892, le député de Paris, rapporteur du budget des Postes, M. Mesureur, demande à ce que l'on change le timbre au type Sage, jugé trop peu républicain. Le 9 février 1893, la Chambre des députés approuve cette demande de modification pour un « timbre moderne, républicain et français ».
Il fallut sept ans pour que le projet aboutisse après bien des péripéties, des concours, des changements de ministres. Nous avons déjà raconté cela dans nos monographies sur les types Blanc et Mouchon.
Enfin, le 4 décembre 1900, les nouveaux timbres virent le jour et ce fut une consternation. Les nouveaux timbres de la lettre et de la carte pos tale représentaient une femme assise, de profil, tenant des tables de la loi où étaient gravés les mots « Droits de l'Homme».

Comme ce timbre a été signé et gravé par Eugène Mouchon les philatélistes l'appellent le type Mouchon. Le public, les journaux, les députés furent unanimes. Le timbre était laid. Il y eut même un vote à la Chambre des députés pour retirer ce timbre. Ce projet fut repoussé de justesse par 250 voix contre 243. Le 10 centimes rouge existe en deux sous-types. On demande à Mouchon de regraver son timbre, ce qu'il fit et, en 1902, un autre timbre parut, appelé par les philatélistes : type Mouchon retouché. Le 10 centimes rouge n'existe qu'en un seul sous-type. Pas plus que le premier, ce timbre ne donna satisfaction.

Le ministre, M. Mougeot, demanda alors à Louis Oscar Roty de lui faire un timbre au type qui figurait déjà sur les monnaies le type Semeuse. C'est Mouchon, graveur semi-officiel des timbres-poste qui fut chargé de la gravure. Il produisit un nouveau timbre appelé par les philatélistes « Semeuse lignée ». Le 10 centimes rouge est connu dans trois sous types. Mais ce timbre ne plaisait pas au nouveau ministre, M.Bérard, et Mouchon dû lui soumettre divers projets dont aucun ne fut adopté.

En 1906, le tarif de la lettre qui était à 15c fut abaissé à 10 centimes sous la pression de l'opinion publique. Pour marquer un événement aussi exceptionnel (un abaissement de tarif en France, n'étant pas chose courante), le ministre voulut un nouveau timbre.

Mouchon lui soumit deux projets : l'un appelé « Semeuse avec soleil devant », l'autre où Semeuse sur fond plein est juchée sur un petit tertre ; c'est celui qui fut adopté. Ce timbre est appelé par les philatélistes «Semeuse avec sol». Il fut émis le 13 avril 1906. Il a pour valeur faciale 10 centimes, il est de teinte rouge et est connu en deux sous-types. D'emblée, il déplut au ministre par le tertre et surtout parce que le haut du sac de blé ressemblait « à un téton ».

Mouchon dû refaire son timbre sans sol et sans « téton ». Mais, d'après le ministre, les lettres du nouveau timbre étaient trop fines et apparaissaient mal à l'impression. Cette nouvelle Semeuse à 10 centimes rouge parut le 28 juillet 1906 elle compte trois sous-types. Elle fut appelée par les philatélistes «Semeuse maigre»,(Ce n'est pas la Semeuse elle-même qui est maigre mais ce sont les chiffres et lettres). Excédé de ne pouvoir obtenir satisfaction, le ministre décida de changer de graveur. Il fit appel à un graveur retoucheur de l'Atelier des timbres-poste, un dénommé Lhomme.
Celui-ci, d'après l'oeuvre de Mouchon, confectionna un poinçon sans valeur faciale sur cuivre, où les inscriptions sont larges et la Semeuse nettement détachée.

D'après ce poinçon fut tiré toute la série des Semeuses de 1907.
Cette nouvelle Semeuse définitive est appelée par les collectionneurs «Semeuse camée». La Semeuse ressemble à un camée et les philatélistes n'ont pas hésité à créer un néologisme pour différencier le mot camée n'existe pas sous forme d'adjectif. En argot, il a une tout autre signification qui n'a rien à voir avec les timbres (camée = droguée). M.Lhomme qui n'était que graveur retoucheur n'osa pas changer les signatures portées sur le modèle et c'est pourquoi son nom n'apparaît pas sur le timbre qui est signé Mouchon, bien qu'il ait été ravé par un autre.

Une date d'émission incertaine

La date d'émission est très incertaine. Le tirage du 10 centimes commença probablement le 22 janvier 1907. Les cartes-lettres à 10 centimes furent imprimées dès le 13 mars 1907. L'administration liquida les stocks du 10 centimes ligné et du 10 centimes maigre avant de mettre en vente le 10 centimes Semeuse camée. Les cartes-lettres parurent aux environs de juin 1907 et furent probablement la première présentation émise de ce timbre. En août 1907, parut le timbre surchargé F. M. (Franchise militaire). Ce dernier parut donc avant le timbre non surchargé. La plus grande discrétion accompagna la mise en vente du timbre en feuilles. Il y aurait sur un détaché une date du 14 septembre 1907 et une lettre du 19 septembre 1907.
Lettre du 26 septembre 1907
Le timbre a du être vendu à partir du 26 septembre 1907 en province. Il est possible que l'on trouve des dates un peu plus anciennes entre le 20 et le 26 septembre. Le timbre, au Musée de la poste, a été enregistré sur le cahier de l'Atelier, le 20 septembre 1907. Les timbres oblitérés en 1906 sont des erreurs de postiers. Plus étrange est l'oblitération du 6-5-1907 signalée par M. Rayssiguier. Mais il semble, là aussi, s'agir d'une erreur du postier.

Les enveloppes et cartes postales furent émises à des dates que nous ne connaissons pas avec certitude, à la fin de 1907. L'histoire du timbre est pleine d'incertitudes En 1907, le timbre paraît, en feuilles, dans une teinte écarlate magnifique. Les premières roulettes furent émises avec une grande discrétion en 1908. C'est aussi, peut-être, en 1908 que furent émis quelques carnets de 20, mais ce n'est qu'en 1910, autour du mois d'août, que les carnets firent leur apparition en force.
En 1911 le 10 centimes fut surchargé «Annulé» pour les cours des postiers.
En 1912 et 1913 eurent lieu deux expérimentations :l'une pour faire des carnets de 30 timbres, l'autre pour imprimer le timbre en typographie rotative. La guerre mit fin à ces tentatives.
En 1916, l'impression des feuilles et des carnets de 20 se fit sur papier G.C. (grande consommation) de mauvaise qualité. L'impression des timbres et des entiers cessa à la fin de 1916, sauf pour la carte postale.
Au début de 1917, une grosse partie du stock fut surchargée F.M. afin d'écouler le timbre.
En 1919, fut émis le carnet de 30, préparé quelques années auparavant.
En 1920, l'émission du timbre en feuilles reprit, d'abord sur papier G.C. puis sur papier normal. En 1921, l'impression cessa et le 10 centimes rouge fut remplacé par le 10 centimes vert en février 1922.

Pour liquider les stocks la Poste émit les feuilles de 144 timbres qu1Avaient servi à la confection des carnets de 30.

Enfin, de 1922 à 1929, le timbre à 10 centimes rouge ne survécut que sous la forme surchargée F.M.

bibliographie

Jean Storch et Robert Françon ; Les timbres-poste au type semeuse camée de 1907
Louis Barrier ; Essai sur les semeuses